Noël, la malbouffe, la France et moi, de Périco Légasse

Foie gras, huîtres, champagne, saumon... La période des fêtes approche avec son lot de repas gargantuesques. L'occasion de rencontrer Périco Légasse qui nous rappelle que l'instant de table est fondateur de notre civilisation.

La période des fêtes approche avec son lot de repas gargantuesques. Quels sont les produits qui vont envahir les supermarchés et nos assiettes?

Périco LEGASSE: Durant ce moment de l'année, la communication de la surconsommation pousse les gens à ingurgiter des produits à consonance luxueuse avec les mots, «foie gras», «saumon fumé», «chocolat» issus pour la plupart de l'industrie agro-alimentaire et qui ne correspondent absolument à ce que sont ces produits à l'origine. La publicité donne l'illusion aux masses de manger comme les riches et la grande distribution met à la disposition de cette clientèle désabusée des millions de tonnes de cochonneries qui portent le nom de «foie gras», de «saumon fumé» et de «chocolat», mais qui n'en sont pas! En réalité, ces produits-là correspondent à une sélection très qualitative à un certain prix en deçà duquel le consommateur prend un risque énorme.

Qu'est-ce qu'un vrai foie gras ou un vrai saumon?

Un vrai foie gras, au départ, c'est un palmipède, c'est-à-dire un canard ou une oie, élevé dans des conditions de respect de l'animal. Certes, celui-ci est gavé, mais à un rythme où il supporte cette forme d'alimentation. De même, le saumon authentique n'est pas gavé d'antibiotiques dans des cages sous-marines à quatre-cent mille par unité, mais dans des conditions d'espace, de volume où il se développe et se nourrit avec de vrais aliments. On peut faire de l'usine à bouffe, de l'usine à foie gras, de l'usine à saumon, mais il reste aussi une production fermière ou paysanne qui correspond à ce qu'était au début ces produits qui font rêver. Ces derniers étaient très bons gustativement car ils n'étaient produits qu'à ces moments de l'année et à une échelle raisonnable. Or aujourd'hui, on en mange toute l'année. Et à Noël, il faut encore en manger un peu plus … C'est une dérive alimentaire déplorable.

La fête de Noël célèbre la naissance du Christ pour les chrétiens. Rappelons que celui-ci a vu le jour de parents pauvres quasiment SDF dans une grange avec un bœuf et un âne ! Noël n'est donc pas forcément synonyme d'indigestion et de crise de foie systématique !

Comment faire pour éviter cette dérive? Quels seraient vos conseils de gastronome?

D'abord, nous ne sommes pas obligés d'acheter à bas prix ces produits dit «de luxe». Nous ne sommes pas obligés de surconsommer, de se bâfrer. La fête de Noël célèbre la naissance du Christ pour les chrétiens. Rappelons que celui-ci a vu le jour de parents pauvres quasiment SDF dans une grange avec un bœuf et un âne! Noël n'est donc pas forcément synonyme d'indigestion et de crise de foie systématique!

Deuxièmement, je ne sais pas si c'est le cas au Groenland ou en Tasmanie, mais les Français, même modestes, peuvent encore se faire plaisir et bien se nourrir pour pas trop cher avec des produits délicieux. Plutôt que d'acheter un foie gras infâme à cinq ou six euros dans une grande surface produit dans une machine comme on le voit dans certains films, ils peuvent aller chez un artisan charcutier de quartier acheter une bonne terrine de campagne maison. Ils auront payé beaucoup moins cher et seront beaucoup plus heureux sur le plan du plaisir de table qu'avec un foie gras industriel. En outre, ils auront fait un peu de bien à la France en faisant travailler un artisan qui aura utilisé des produits sains provenant d'un producteur français.

Diriez-vous qu'il y a une démarche politique dans notre manière de consommer?

Acheter uniquement ses produits dans les enseignes de la grande distribution, c'est comme voter éternellement pour un même parti qui en plus vous envoie dans le mur! Le choix citoyen, c'est de répartir son budget. Si j'ai trente euros de budget de fromage par mois, au lieu d'acheter dix fromages industriels à trois euros au lait pasteurisé, j'en achète cinq à six euros ou quatre à huit euros. Et sans dépenser un centime de plus, j'ai un fromage au lait cru de terroir qui aura fait travailler un artisan, un agriculteur, un éleveur qui perpétue une tradition et qui préserve nos paysages. En outre, cela fait du bien au palais, à l'être et au pays. C'est à la fois un geste de plaisir et un acte patriotique.

L'homme n'est pas là pour se nourrir comme on met du carburant dans sa voiture. Nous sommes en France dans une civilisation humaine. Et l'instant de table est fondateur de notre système social et de notre humanité.

Le consommateur est-il seul responsable? Qu'en est-il de l'industrie agro-alimentaire et de la grande distribution?

L'industrie alimentaire et la grande distribution sont aujourd'hui des systèmes bancaires. Leur but n'est pas de nous nourrir, mais uniquement de faire de l'argent par la vente de biens de consommation. Leurs profits n'est pas le résultat de leur travail mais leur travail est au service de leurs profits. En tant que consommateur, le citoyen a une part de responsabilité et peut décider de répartir sa consommation et son budget différemment dès lors qu'il a pris conscience qu'entretenir toujours l'industrie agro-alimentaire et la grande distribution, c'est consacrer la disparition du pays, la ruine et l'éradication de toute une forme d'économie artisanale qui à force de ne plus avoir de clients va finir par mourir. Les Français seront un jour contraint à n'avoir que des enseignes de grande distribution à la place de nos anciens épiciers de quartier. Aujourd'hui, à Paris, même les épiceries arabes qu'on a d'abord regardées avec méfiance, mais qui constituent finalement les derniers commerces de proximité, sont en train d'être éradiquées des centres-villes grâce à la mise en place par Messieurs Attali et Sarkozy de la loi de modernisation de l'économie. Le consommateur doit dire: «je ne suis pas d'accord!».

Certes, les produits achetés dans les petits commerces vont nécessiter un peu plus de temps de préparation à la maison. Mais le fait d'être à table le soir et de partager un plat qui a été préparé va susciter une forme de conversation et de relation humaine très différente de celle d'une boîte achetée dans un congélateur qu'on aura fait cuire dans un micro-onde et ingurgitée comme un chien qui mange sa gamelle, comme un animal qui finit sa pâté! L'homme n'est pas là pour se nourrir comme on met du carburant dans sa voiture. Nous sommes en France dans une civilisation humaine. Et l'instant de table est fondateur de notre système social et de notre humanité.

Il y a de moins en moins de petits agriculteurs aussi …

Les agriculteurs représentaient la moitié de la population au début du XXe siècle et ne sont plus aujourd'hui que 2% de la population. 500 000 agriculteurs sont censés donner aujourd'hui à manger à 64 millions de Français. Pour faire face à cette demande, ils sont obligés de s'industrialiser et de développer le productivisme et l'agriculture intensive.

Toutes les secondes, il y a vingt-six mètres carré de terres cultivables française qui sont transformées en béton ... Et lorsqu'il n' y aura plus d'agriculteurs, il sera trop tard pour se rendre compte que la France n'est plus la France. Ce sera un pays technique avec une forme de biologie industrielle qui entretiendra une population artificielle.

Quelle est la part de responsabilité de la PAC dans cette dérive?

La PAC a accepté de financer l'agriculture française à condition qu'elle se modernise. Or se moderniser, cela signifiait accepter de surproduire et de créer des situations de monopole pour être compétitif au niveau international. L'agriculteur ne peut vendre très bon marché que s'il surproduit pour faire baisser les prix. Pour surproduire, il faut aussi que la terre surproduise. Cette dernière a été saturée de produits chimiques et d'engrais et assassinée. Nos sols sont en train de mourir. Pour quel résultat? Les prix sont tellement bas que l'agriculteur ne peut pas en vivre et est obligé de survivre grâce aux subsides que lui verse le contribuable allemand à travers l'Union européenne et la PAC. C'est un système totalement ubuesque et schizophrène.

D'autant plus que la balance commerciale agricole est négative …

Etant donné la richesse de ses paysages et de son terroir, la France devrait être totalement autosuffisante et en plus ses produits d'excellence devraient s'exporter comme on exporte un artisanat d'art. Il y a certes des produits bénéficiaires à l'exportation, notamment la céréale, grâce aux subventions européenne. Mais au final, la France importe environ 40% de ses besoins alimentaire. Avec cette PAC qui devait nous sauver, nous émanciper et nous hisser au sommet de la qualité agricole, nous sommes dans la situation des pays du tiers monde. Nos paysans, qui sont les meilleurs du monde, reçoivent de l'argent à la fin du mois pour pouvoir nourrir leur famille!

Les pouvoirs publics en ont-ils conscience?

Les politiques qui nous ont conduit depuis cinquante ans à cette situation portent une responsabilité écrasante, mais refuse de changer, d'arrêter le massacre. La priorité nationale aujourd'hui devrait être la résurgence de cette agriculture qui faisait de la France la première puissance mondiale. Aucun homme politique ne semble malheureusement prendre conscience que si on laisse mourir cette agriculture, qui est l'identité de la France, c'est l'âme française qui va disparaître.

Le système libéral qui se financiarise n'a pas besoin d'agriculture et une partie de la classe politique française est même convaincu qu'il faudrait l'éliminer pour importer notre alimentation. Pourquoi s'embêter à entretenir un système qui est déficitaire, qui est pollueur et qui est source de malheur? Il y a entre 150 et 250 suicides d'agriculteurs par an. Supprimons cette classe sociale et cette activité et il n'y aura plus de souffrance et de malheureux! Transformons cette activité agricole pour faire des parcs de loisir! Cela s'appelle l'assassinat de la France, de son territoire, de ses sols. Toutes les secondes, il y a vingt-six mètres carré de terres cultivables française qui sont transformées en béton: en parking, en zone pavillonnaire ou en grande surface. Il nous reste encore de la marge, mais nous sommes en train de dilapider notre principale richesse. Et lorsqu'il n' y aura plus d'agriculteurs, il sera trop tard pour se rendre compte que la France n'est plus la France. Ce sera un pays technique avec une forme de biologie industrielle qui entretiendra une population artificielle.

Pour Alain Finkielkraut, comme pour moi, mettre une vache dans une boîte en fer au milieu d'une prairie, cela signifie la fin de la civilisation.

La ferme des mille vache est-elle emblématique de cette dérive?

C'est effectivement un bon exemple. Même Alain Finkielkraut, qui se définit comme un philosophe urbain et n'était pas sensible à cette thématique, a pris conscience qu'il y avait un patrimoine agricole, un environnement et une sociologie des paysages. Il a pris conscience que la pire horreur de notre époque était de mettre des vaches, qui sont destinées à évoluer dans l'espace libre du pré, à danser dans les pâturages comme il le dit si bien, dans des usines agricoles. Les vaches ont été transformées en machine dont le but n'est plus de produire du lait, mais de fabriquer du méthane avec leurs déjections, c'est-à-dire de l'énergie. Les vache sont transformées en usine thermonucléaire! Pour Alain Finkielkraut, comme pour moi, mettre une vache dans une boîte en fer au milieu d'une prairie, cela signifie la fin de la civilisation.

Faut-il en passer par une période de décroissance?

Avant de passer à la décroissance, essayons de corriger cette croissance folle qui fait que pour entretenir la surconsommation qui génère des profits, il faut faire de la surproduction. Il faut tout simplement revenir à une agriculture qui satisfasse la demande et uniquement la demande. Ne produisons que ce dont nous avons besoin et tout changera. Les conditions environnementales de production seront meilleures et les tarifs baisseront. S'il n'y a pas de surproduction, nous n'aurons pas besoin de faire appel à la technologie et à la chimie. Si on a besoin de 15 kilos de pomme de terre, de 20 kilos de tomates, et de 5 kilos de beurre, il ne faut pas produire plus. L'agriculteur sera rémunéré à sa juste valeur, pour son travail, et le consommateur ne sera pas obligé de surconsommer pour entretenir le système. Il mangera seulement ce dont il a besoin. C'est un équilibre écologique, sociologique, nutritionnel et un vrai programme politique. Il est a porté de main.

A l'heure du plateau repas, la période des fêtes est un des rares moments consacré au repas familial. Celui-ci est-il en train de disparaître?

S'il n'y a plus de repas, la famille ne joue plus son rôle et c'est l'irruption de la barbarie, des fameux sauvageons. Oui, la manière dont on se nourrit est source d'harmonie ou cause de fracture dans notre société.

Oui, dans la mesure où le consommateur est conditionné à n' acheter que des marques. Lorsque vous interrogez la tranche d'âge des 15-18 ans, plus de 60% ignore le contenu de leur repas de la veille ou du midi. Ils répondent par des marques (Findus, Vivagel, Igloo) et sont généralement incapables de vous dire si c'était du poisson ou de la viande. On est aujourd'hui en face d'un désapprentissage de la façon de se nourrir et d'une ignorance totale de notre patrimoine alimentaire. Il est très important de réapprendre à l'école aux consommateurs de demain à manger en leur expliquant quels sont les aliments à leur disposition. Qu'est-ce qu'une pomme? Qu'est-ce qu'un verre de lait? Qu'est-ce qu'un morceau de pain, de beurre? Cela fait quatre décennies qu'on dit au citoyen consommateur, «ne t'inquiète pas l'agro-industrie tient des produits quasiment prédigérés à bas prix à ta disposition dans les supermarchés». Cette logique nous mène tout droit à la barbarie. Si le repas familial, qui est l'instant social où les générations se rencontrent et échangent des valeurs et des principes, n'existe plus, que chacun mange comme l'industrie alimentaire l'a fabriqué avec son packaging de petites boites devant sa télé ou son ordinateur, il n'y a plus de communication, donc plus de valeur, plus de repère, plus d'interdit. Le repas est l'instant fédérateur de la famille, au moins celui du soir. S'il n'y a plus de repas, la famille ne joue plus son rôle et c'est l'irruption de la barbarie, des fameux sauvageons. Oui, la manière dont on se nourrit est source d'harmonie ou cause de fracture dans notre société.

N'est-ce pas un peu pardoxal à l'heure de la multiplication des émissions de cuisine?

Ces émissions vont dans le sens de la malbouffe car elles font de l'événementiel, du ludique et du spectaculaire, en aucun cas du pédagogique. Top chef est l'équivalent du Koh-Lanta du ragoût: les participants se font peur, se terrorisent, s'insultent et se coupent en morceaux tandis que les plats sont impossible à refaire chez soi. C'est du reality show qui ne sert absolument pas la cause de la cuisine française et n'apprend pas aux gens à bien manger.

Le Figaro du 14/12/2014

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